Le FSM 2024 fut le témoin d’une impressionnante démonstration de solidarité internationale envers la Palestine. Des militant.es du monde entier ont convergé pour dénoncer le colonialisme et le génocide. Voici les témoignages de deux participantes du Collectif québécois qui ont séjourné à Katmandou.
La solidarité n’est qu’un début — l’appel à l’action est urgent et nécessaire
Cette édition du FSM a notamment accueilli une tente dédiée à la Palestine, où j’ai eu l’occasion de dialoguer sur la solidarité canadienne avec deux Palestiniens remarquables: Mohammad Basheer, originaire de Cisjordanie, et le Dr Amani Odeh de Jérusalem.
Mohammad Basheer qui œuvre au sein de la Société Médicale de Secours en Palestine a expliqué la situation de l’occupation dans son pays d’une perspective médicale : dans les dernières années, le peuple palestinien a subi les conséquences dévastatrices de l’occupation combinées aux effets économiques, physiques et psychologiques de la pandémie de COVID-19.
Le Dr Amani Odeh travaille avec l’association Al-Bustan-Silwan, une organisation qui soutient les jeunes leaders, propose des programmes culturels et donne des moyens de résister à la violence des colonisateurs. Le village de Dr Amani Odeh, Silwan, fait l’objet d’un ordre de démolition israélien depuis 2006. Cependant, grâce à la détermination et à la solidarité communautaire, la population de Silwan a érigé une tente de protestation dans le quartier d’Al-Bustan, attirant l’attention du monde et mobilisant des interventions diplomatiques de haut niveau. Avec cette histoire, le Dr Odeh souhaite démontrer à la population canadienne qu’avec de la volonté et de l’effort, même les petites actions peuvent avoir un impact majeur au sein de la lutte contre l’occupation.
J’ai également pu constater la vigueur de la mobilisation en faveur de la Palestine lors d’un panel où un intervenant de l’organisation Al-Haq, une organisation palestinienne indépendante de défense des droits de l’homme, a souligné le rôle crucial de la volonté politique pour influencer les gouvernements et les organisations internationales qui restent neutres ou maintiennent leurs alliances avec Israël. Il a insisté sur le fait que chaque individu doit se situer dans le système et identifier la sphère (politique, sociale ou culturelle) où il peut avoir le plus d’impact pour changer la perspective politique. Il a également souligné l’importance de trouver sa place dans la résistance contre les systèmes oppressifs soutenant la colonisation et les États génocidaires. De plus, j’ai eu le privilège de discuter avec un membre palestinien de la société civile du Qatar, qui a partagé deux approches tangibles pour exprimer la solidarité envers la Palestine. Il a tout d’abord mis en avant l’importance de soutenir les initiatives du mouvement BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions) visant à exercer une pression sur les grandes entreprises qui soutiennent indirectement le génocide en Palestine.
En somme, l’édition Katmandou du FSM a pu démontrer à quel point la société civile internationale est en solidarité avec la Palestine. Cependant, la solidarité n’est qu’un début — l’appel à l’action est urgent et nécessaire.
« Ce n’est pas Dieu qui a abandonné la Palestine, mais l’humanité »
Kaya Hervet, participante au FSM 2024 comme membre du Collectif québécois
Dans la deuxième journée du FSM de Katmandou, j’ai eu la chance d’assister à une conférence intitulée « Palestine Under Siege in the Nexus of Politics and Religious Rhetoric » — Palestine sous le siège : entre politique et rhétorique religieuse —. Deux palestinien.nes étaient présent.es pour animer l’activité : Mitri Raheb, une figure de proue de la théologie de libération en Palestine et Varsen Aghabekian, une spécialiste des pratiques communautaires fondées sur les droits.
Varsen a pris la parole en première partie de la conférence, mettant en lumière le fait que 78 % de la Palestine « historique » est sous occupation israélienne. Elle expliquait aussi que le processus de paix est ce qui a commencé les problèmes en lien avec la séparation de la terre qui a donné un énorme avantage à Israël, car les terres prises par Israël sont celles où l’agriculture peut être pratiquée, où toutes les ressources sont. Les Palestiniens vivent sur un territoire dirigé par une politique d’apartheid. Les routes sont contrôlées au point où l’on différencie les voitures israéliennes et palestiniennes par la couleur de la plaque d’immatriculation. Varsen expliquait que cette politique et tous les points de contrôles séparent les Palestiniens les uns des autres. Selon ses chiffres, 8 % de l’eau palestinienne est contrôlée par Israël qui la leur revend ensuite.
La seconde partie de la conférence, dirigée par Mitri Raheb, s’est davantage concentrée sur les aspects théologiques. Il a souligné que le suprémacisme blanc et la suprématie juive sont deux facettes d’une même médaille, dénonçant le militarisme mondial et pointant Israël en tant que septième exportateur d’armes mondial et leader en développement de la reconnaissance faciale, souvent testée sur la population palestinienne. Raheb expliquait également qu’aujourd’hui, ce sont les ordinateurs (l’intelligence artificielle) qui calculent et décident où les frappes se font.
Une déclaration poignante de Mitri Raheb m’a particulièrement marquée : durant la Shoah les gens se demandaient où est Dieu ? Aujourd’hui en Palestine, les gens disent : ce n’est pas Dieu qui nous a abandonnés, mais l’humanité.
J’ai été très émue par cette affirmation. Je me rends compte de la douleur et de la souffrance que vivent les Palestiniens depuis près de 100 ans. Voir le spectacle répété du massacre de tout un peuple, génération après génération, tandis que la communauté internationale semble serrer la main et financer ceux qui perpètrent ces atrocités, est véritablement déshumanisant.